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RETRAITES les mauvais coups SE PRÉPARENT :Travailler plus longtemps ?
Article publié le 9 mai 2010

Un progrès social !

L’accroissement de l’espérance de vie ne date pas d’aujourd’hui.
L’institut national d’études démographiques (Ined) le
fait remonter à 250 ans. Certes interrompue par les guerres, la
progression de l’espérance de vie à la naissance est régulière.
De 30 ans à la fin du 18ème siècle, elle passe à 37 ans en 1810
pour atteindre 45 ans en 1900. Au 20ème siècle, grâce à une
forte chute de la mortalité infantile, elle dépasse 80 ans en
2004.

baisse régulière du temps passé au travail

Cet accroissement de l’espérance de vie n’a pas empêché que
le temps passé au travail diminue régulièrement : la durée
hebdomadaire de travail a diminué, ainsi que le nombre
d’heures passé au travail dans une vie. En France, du 19ème
siècle à la fin du 20ème siècle, le temps de travail annuel individuel
a été divisé par deux pendant que le nombre d’emplois
augmentait de trois quarts.

Cela a été permis par un accroissement de la productivité
horaire du travail supérieur à celui de la richesse produite.
Ainsi, durant cette même période, la productivité horaire a été
multipliée par environ 30, la production par 26 et l’emploi
total par 1,75. “L’espérance apparente de vie professionnelle”,
qui fournit une estimation du nombre d’années travaillées,
a ainsi baissé pour les hommes de 20 ans entre 1930
et 2000.

prendre en compte l’espérance de vie en bonne santé
La conclusion à tirer de ces chiffres est sans ambiguïté : le
partage de la richesse produite peut permettre que l’accroissement
de l’espérance de vie s’accompagne d’une diminution
du temps passé au travail. C’est ce que l’on appelle le
progrès.

Mais, de plus, il faut prendre en compte l’espérance de vie
« en bonne santé », c’est-à-dire sans incapacité majeure. Une
étude de l’Ined indique : « Ainsi, à 60 ans, un homme peut
espérer vivre encore 21 années, mais avec seulement la moitié
sans aucune des incapacités considérées dans l’étude. Et si
les femmes ont une espérance de vie plus longue que les
hommes, elles passent finalement plus d’années avec des
incapacités, en particulier avec des incapacités modérées ».
On voit donc que tout départ en retraite tardif obère de façon
non négligeable le temps dont les salariés disposent pour
jouir réellement de leur retraite.
Contre-vérités !

Les chiffres fantaisistes sont avancés pour
essayer de montrer qu’il y aurait une
amplification de la croissance de l’espérance
de vie qui rendrait indispensable de travailler
plus longtemps. Ainsi, le secrétaire général de
l’UMP, Xavier Bertrand, affirme que « Quand la
retraite a été mise en place à 60 ans, avec
application en 1982, vous aviez au moment où
vous partiez en retraite dix ans d’espérance de
vie. Aujourd’hui quand vous prenez votre
retraite à 60 ans, vous avez vingt deux ans
d’espérance de vie ».

Tout d’abord, le chiffre cité pour la période
actuelle ne concerne que les hommes (21,7
ans), l’espérance de vie à 60 ans étant de 27
ans pour les femmes. Mais surtout,
l’espérance de vie à 60 ans n’était pas de 10
ans en 1980, mais de 17,3 ans pour les
hommes et de 22,4 ans pour les femmes.
L’espérance de vie en 30 ans n’a donc pas
progressé de 10 ans, mais de 4,6 ans chez les
femmes et de 4,9 ans chez les hommes. Un
rythme sans rapport avec celui évoqué par
Xavier Bertrand.

Le Medef n’est pas en reste dans le traficotage
des chiffres. Il affirme ainsi que l’espérance de
vie à 60 ans augmenterait d’un trimestre par
an. Or, entre 2000 et 2010, elle a augmenté de
1,5 an, soit 0,6 trimestre par an et encore
moins dans la décennie précédente.

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a
d’ailleurs récemment montré que l’allongement
de l’espérance de vie accroîtrait le nombre de
retraités de façon relativement modeste, 3 % à
l’horizon 2020 et 17 % à l’horizon 2050. Rien
donc qui ne peut être collectivement maîtrisé.
De plus, si le nombre de retraités croît
jusqu’en 2035 à cause du départ à la retraite
des générations du baby-boom, il décroît par
la suite car les générations suivantes sont
moins nombreuses.

“Si les autres le font,
pourquoi pas nous ?”

Les exemples des autres pays européens
sont appelés à la rescousse
pour justifier le report de l’âge de
départ à la retraite.

Ainsi, l’Allemagne a programmé de
reculer progressivement l’âge de
départ à la retraite à 67 ans. Si les
Allemands, et d’autres comme les
Espagnols ou les Italiens, le font,
pourquoi pas nous ?

Nous ne discuterons pas ici de la
validité d’une telle mesure pour ces
pays. Elle y est très contestée dans
ces pays mêmes. Il serait d’autre part
facile d’ironiser sur le fait que copier
sottement ce qui se fait ailleurs n’est
pas d’une grande originalité politique.

Mais là n’est pas l’essentiel. En effet,
la France est une exception démographique
en Europe avec un taux de
fécondité de 2 enfants par femme en
2008. L’Espagne, l’Italie et
l’Allemagne frôlent 1,4 enfant par
femme comme un certain nombre
d’autres pays européens, ce qui ne
leur permet pas d’assurer le renouvellement
des générations.

Vouloir s’aligner en matière de
retraite sur les autres pays européens
est donc stupide et revient à vouloir
appliquer la même politique de
chauffage à Helsinki et à Palerme.

Travailler moins, c’est possible !

Le gouvernement argue du fait que l’âge moyen de liquidation de la
retraite est de 61,5 ans pour justifier un report de l’âge légal au-delà
de 60 ans. C’est confondre, volontairement, âge de liquidation de la
retraite et âge de cessation d’activité. En effet, ce dernier est de 59
ans en moyenne et 6 salariés sur 10 sont hors emploi (chômage,
invalidité, inactivité ou dispensé de recherche d’emploi) au moment
de liquider leur retraite. Ainsi, très souvent, les salariés ayant eu une
carrière courte et heurtée, en particulier les femmes, liquident leur
retraite à 65 ans pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein
sans décote, alors même qu’ils sont déjà hors du marché du travail.

Or, reporter l’âge légal de la retraite au-delà de 60 ans aurait aussi
pour conséquence de se débarrasser de la borne des 65 ans qui permet
de partir sans décote et qui serait reculée d’autant.

On mesure donc l’hypocrisie qu’il y a à vouloir reporter l’âge légal de
départ à la retraite ou à augmenter la durée de cotisation, car, au vu
de l’état du marché du travail, il sera de plus en plus difficile de réunir
les annuités requises pour avoir
une pension à taux plein, les
entreprises se débarrassant de
leurs salariés avant 60 ans. De
plus, les jeunes entrent de plus en
plus tard dans la vie active et de
nombreux salariés, dont une
majorité de femmes, ont des carrières
discontinues et n’arrivent
déjà pas à réunir le nombre d’annuités
demandé.

Hypocrite encore, car vouloir faire travailler les salariés plus longtemps
revient aussi à rompre le contrat entre générations. Car la solidarité
intergénérationnelle a deux faces. Si les actifs paient les pensions
des retraités, en contrepartie, les salariés âgés laissent leur
place sur le marché du travail aux nouvelles générations. Cette exigence
est d’autant plus forte que le chômage de masse perdure.

Décaler l’âge de départ à la retraite revient à préférer entretenir le
chômage des jeunes plutôt que de payer des retraites.
La retraite par répartition repose sur un double contrat implicite. Le
travail fourni par la génération qui part à la retraite bénéficie à la
génération suivante et cette dernière prend en charge les retraités.
Ainsi chaque génération monte sur les épaules de la précédente et
la création de richesse est partagée entre actifs et retraités. C’est ce
contrat intergénérationnel que le gouvernement et le patronat tentent
de détruire en voulant faire travailler plus longtemps les générations
les plus jeunes.

Ce contrat intergénérationnel
doit d’autant
plus perdurer
que les besoins
de financement
ne sont pas faramineux. Le rapport du Conseil d’orientation des
retraites (COR) de 2007 indique ainsi qu’il faudrait, à législation
constante, 1 point de PIB à l’horizon 2007 et 1,7 point à l’horizon
2040. Rien qui ne peut être comblé quand on sait que 1 point de PIB
représentait 10 % des dividendes versés aux actionnaires des sociétés
non financières en 2007 et que la part des dividendes dans le PIB
est passée de 3,2 % en 1982 à 8,5 % en 2007. Des marges de
manoeuvre existent donc pour financer les retraites.

Mais surtout est-ce que travailler plus longtemps est une solution
acceptable alors que les conditions de travail se détériorent, que la
souffrance au travail se développe et que de nouvelles pathologies
apparaissent ? Disons le tout net, alors que la productivité du travail
ne cesse de progresser, il faut travailler non pas plus, mais moins !

L’augmentation de la durée de
cotisation ou le report de
l’âge légal de départ à la
retraite auront des conséquences
importantes lors de
la liquidation de la retraite et
se traduiront donc en pratique
par une pension réduite pour
le plus grand nombre.

Est-ce que le sort des êtres humains est de
travailler jusqu’à n’en plus pouvoir pour
permettre que les dividendes versés aux
actionnaires continuent leur croissance
faramineuse ?

Travailler plus longtemps ?