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Mastérisation : La partie émergée de l’iceberg
Article publié le 11 avril 2010

1er Degré

Rentrée le 25 août

Accueil dans les départements et/ou les circonscriptions, puis dans les écoles : 5 jours d’accueil et de sensibilisation.
Accompagnement « renforcé » de la rentrée à la Toussaint
Stagiaires affectés en brigade de remplacement, « compagnonnage » avec un Maître de stage (Maître formateur et/ou maître d’accueil temporaire) qui exerce dans sa classe avec le stagiaire. Le stagiaire n’exerce pas encore seul en classe en responsabilité.

Le suivi et l’organisation du stage durant toute l’année

A la rentrée des vacances d’automne, le stagiaire prend une classe seul en responsabilité (il est « stabilisé dans une école pour un remplacement long »). Il est suivi toute l’année grâce aux visites d’un maître formateur déchargé de sa classe 1 journée par semaine ; il aura en charge plusieurs stagiaires.
« Dans le cadre de 18H de formation incluses sans les obligations de service », il y aura des séances de formation. Doit correspondre à des stages filés, organisés au niveau des circonscriptions.

Durant le second trimestre,

« Temps d’accompagnement et /ou de formation », correspondant aux « attentes d el’institution » en matière de pratiques pédagogiques et de programmes. C’est un stage groupé pendant lequel un étudiant en master prendra sa classe en responsabilité.

2nd Degré

Rentrée le 25 août

Accueil le 25 par le Recteur, puis prise en charge (?) par les services académiques le 25 et le 26, visite de l’établissement le 27, rencontre éventuelle avec le tuteur (!), journées pédagogiques les 30 et 31 avec les IA-IPR (inspecteurs pédagogiques) : conduite de la classe et guide pratique à la préparation des cours !

Accompagnement « renforcé » de la rentrée à la Toussaint

Dès la rentrée, le stagiaire prend ses classes en responsabilité. Le tuteur assiste à ses cours à raison d’1 1/2 journée par semaine (« au moins » précise la circulaire) ; il est prévu pour cette étape de faire appel si possible aux professeurs partant en retraite entre le 1° octobre et le 30 novembre !
Le suivi et l’organisation du stage durant toute l’année

La formation est non plus continue mais « continuée » toute l’année ! Un accompagnement dans la classe par un professeur tuteur toute l’année, professeur de l’établissement ou à défaut (sic !) d’un établissement voisin, « choisi sur proposition du chef d’établissement et de l’inspecteur ».
Durant le premier trimestre, des stages de formation sous la forme de 5 journées de « regroupemen » : le remplacement sera assuré par des TZR (!!!) ou par les HSE « de suppléances ».

Le stagiaire « pourra bénéficier » (=bénéficiera ?) d’une décharge hebdomadaire de 2 H équivalente à 72H annuelles pour permettre l’organisation d’une journée (ou 1/2 journée !) de formation par semaine. Une journée sera libérée dans l’emploi du temps du stagiaire, avec un calendrier par discipline. Traduction dans les établissements : les 2 h de décharge hebdomadaire feront « l’objet d’une délégation d’HSA à l’établissement », et seront assurées par un autre enseignant, ou seronteffectuées en HSA par le stagiaire, qui, « en tout état de cause ne pourra avoir un service supérieur à l’obligation réglementaire de service de son corps ».

Durant le second trimestre,

Le second trimestre doit correspondre à un « deuxième temps d’accompagnement renforcé ». Le tuteur accueillera dans ses classes durant une semaine un étudiant en M2 admissible au concours de recrutement, qui les prendra ensuite en responsabilté pendant 2 semaines. Le tuteur accompagnera ainsi le stagiaire à temps complet pendant ces 2 semaines, avant de reprendre ses propres classes, à nouveau avec le M2 pendant une semaine !

Et pour les stagiaires documentalistes et CPE ? Ils doivent aussi être affectés sur des « supports complets vacants ». Pour l’essentiel, ces collègues doivent attendre les « propositions » des IPR-EVS. Mais il n’y a aucune raison de s’inquiéter puisque « les modalités de formation seront adaptées aux conditions particulières d’exercice » ! CQFD !

Conséquences pour les professeurs stagiaires...

Dans le fatras de ce dispositif, la masterisation, c’est d’abord la disparition de l’année de stage rémunérée après le concours. D’où l’usage d’une « novlangue » qui ne trompe personne avec la notion de « formation continuée » !

Il s’agit de masquer cette épouvantable innovation : les professeurs stagiaires enseigneront à temps plein, sans jamais avoir appris à le faire ! En effet, à la place de l’année de formation initiale, le débutant dans l’enseignement « sera affecté pour « une quotité maximale correspondant à l’obligation réglementaire de service du corps » contre 1/3 pour les PE dans le primaire et 45% pour les PLC dans le secondaire jusqu’à présent (ce quicorrespondait à la prise en charge d’1 ou 2 classes en responsabilité, à raison d’un maximum de 8 heures par semaine). Ici les considérations purement comptables et les gains d’économie l’emportent nettement sur toute autre considération. Ces milliers de collègues nommés directement sur poste à plein temps permettront au ministère d’économiser 15400 postes (supprimés du budget de l’éducation nationale en 2010) !

...les étudiants...

Les étudiants de M2, admissibles au concours, prendront au cours du second trimestre des classes en responsabilité, celles des tuteurs ou bien des professeurs stagiaires. Eux non plus n’auront jamais appris à enseigner, et ils auront d’ailleurs d’autres soucis : au moment où ils auront à gérer ces classes, ils seront en train de préparer les épreuves d’admission du concours et la validation du Master !

… et les élèves !

La circulaire insiste sur la « continuité du service due aux élèves ». Comment imaginer que les élèves qui verront se succéder plusieurs collègues, le professeur stagiaire et l’étidiant, à temps plein et sans expérience, forcément débordés, pourront y trouver leur compte ? Et la continuité vantée sera elle même soumise à rude épreuve : le remplacement des professeurs stagiaires en formation à certains moments de l’année engendrera une discontinuité des apprentissages pour les élèves. On connaît par ailleurs la situation dramatique du remplacement dans l’académie et l’appel aux retraités est suffisamment édifiant !

Et la partie immergée de l’iceberg ?

Devenir prof : avant et après la réforme

Avant la réforme, le niveau licence suffisait pour passer les concours, donc il était possible de s’y présenter dès la 3° année d’études après le Bac. Dans la pratique, la plupart des étudiants passaient la Licence (Bac+3) + 1 an de préparation aux concours. Après 4 ans d’études, le succès au concours faisait d’eux des professeurs-stagiaires qui accomplissaient alors un véritable stage rémunéré (1300 euros).

Désormais, la Licence (bac+3) + 2 ans de master sont nécessaires pour passer les concours. En plus de l’allongement des études pour passer le concours, la 5° année va être particulièrement chargée. Les étudiants de m2 devront préparer le concours, puis les admissibles devront prendre 1 ou 2 classes en responsabilité, préparer les épreuves orales d’admissibilité et réussir le master ! La 6° année après l’obtention de leur Baccalauréat, les heureux lauréats du concours et du Master devenus professeurs-stagiaires, seront à la rentrée... privés de stage !

Le rallongement de la scolarité aura pour conséquence un tri social car il va accroître les difficultés des étudiants issus des classes populaires. Par ailleurs, dans un contexte de suppression des postes de titulaires (13 500 en 2009, 35 000 depuis 2007) et de réduction du nombre de postes aux concours, la réforme entraînera la multiplication des enseignants précaires. En pleine croissance démographique, le gouvernement supprime en 2009 un tiers des postes de professeurs au concours. La masse des étudiants ayant échoué aux concours mais ayant obtenu le master fournira une main d’oeprécaire vouée aux remplacements. Le nombre d’étudiants se destinant à passer le concours étant plus important que le nombre de postes offerts aux concours, il y a fort à parier qu’il y aura plus d’étudiants qui obtiendront un master d’enseignement que de reçus aux concours. Ces « reçus collés » titulaires d’un master mais pas du concours serviront à alimenter le vivier de remplaçants de la future agence de remplacement que le gouvernement entend mettre en place.

On aura d’un côté recours à des personnels contractuels potentiellement corvéables à merci et, de l’autre, des enseignants titulaires fonctionnaires d’Etat dont le nombre se réduira d’année en année et dont la proportion entre le nombre de titulaires et de précaires s’inversera à terme en très peu de temps. On sait par avance ce que cela a donné à France Télécom ou à la poste : rentabilité, flexibilité et détresse au travail accrue.

Et tout ça pour quoi ? Une revalo-pipeau !

La revalorisation promise ne consistera qu’en un saut d’échelon plus rapide en début de carrière. Mais elle sera largement annulée par la suppression de l’année de stage rémunérée. Les retraites seront amputées de 2 semestres de cotisations. Le gouvernement espère ainsi économiser 200000 postes et 600 millions d’euros. Par ailleurs, du fait de l’entrée tardive dans le métier et le rallongement de la durée de cotisation, il deviendra impossible de partir en retraite avec une pension à taux plein.

Voilà une revalorisation, pourtant applaudie par certaines organisations syndicales, qui promet d’être socialement dévastatrice ! Quel « pré-recrutement » ou « bourses au mérite » compenseront ce recul ? Pour toutes ces raisons, SUD éducation revendique le maintien des concours à Bac +3 !

Vers des enseignants sous– qualifiés et une école publique disqualifiée.

Les épreuves du nouveau concours ne garantiront plus la bonne maîtrise des savoirs : par exemple dans le concours des professeurs des écoles, plus d’épreuve spécifique d’histoire géographie (déjà optionnelle dans le concours actuel) ; pour les futurs enseignants de langues, l’évaluation orale sera quasi inexistante. Il s’agit d’une formation au rabais pour des enseignants qui dispenseront un enseignement a minima dont le socle commun et les nouveaux programmes de 2008 sont les fondements, le tout piloté par les évaluations.

La finalité est en réalité l’organisation précoce du tri social. A quoi servent les évaluations : à évaluer les enfants ? La mise en place des évaluations correspond à celle d’un système dont la logique est celle de l’entreprise et de la culture du résultat. En cela, elle est soutenue par l’idéologie qui sous tend les nouveaux programmes, celle d’une « pédagogie » qui se réduit au « par coe » et au « bachotage ». C’est la raison pour laquelle la place de la « connaisance de l’institution » a pris de l’importance dans l’organisation des concours : ne s’agit-il pas aussi de s’assurer de la docilité -présumée- des lauréats ?

Enfin, un effet pervers de la nouvelle organisation des concours : le décrochage des CAPES et des agrégations. Les CAPES correspondront étroitement aux savoirs enseignés, tandis que le ssujets d’agrégation seront les seuls désormais à coller davantage à la recherche. Donc les préparations ne seront plus communes, ce qui en pratique, dans le cadre de la LRU, aura pour effet de spécialiser les universités : la préparation de l’agrégation ne sera plus assurée dans toutes les universités, et concernera un nombre toujours plus restreint d’étudiants. Naturellement, on peut déplorer l’existence de concours différents pour la préparation à l’exercice d’un même métier, mais à partir du moment où ils existent, le cadenassage social est bien une régression !

Organisons le refus collectif des stages !

La mastérisation signifie la casse de la formation professionnelle, et un rallongement des études synonyme de tri social accru des étudiants (disparition de l’année de stage rémunérée après le concours), une concurrence entre enseignants à statuts et enseignants contractuels, et à terme la possible disparition des professeurs fonctionnaires (recrutement au niveau master, sans concours). C’est bien pourquoi durant l’année scolaire dernière SUD éducation avait cherché à réaliser la convergence avec le supérieur alors en lutte.

De même dès novembre dernier, Sud Education appelait les équipes enseignantes à se réunir dans les établissements (écoles, collèges, lycées, IUFM, universités) pour organiser collectivement le refus de mettre en place les stages : refus de la fonction de tuteur, par le moyen de motion en CA ou en conseil d’école, de pétition à faire signer aux collègues, à diffuser et à transmettre aux autorités rectorales et /ou académiques. Aujourd’hui, dans de nombreux établissements, on voit les collègues s’orienter vers le refus des stages. La lutte contre leur mise en place reste une étape urgente et nécessaire. la circulaire montrant bien que cette réforme repose sur les tuteurs. Elle précise en particulier qu’avant la fin de cette année scolaire, les professeurs « choisis » devraient « recevoir une formation à l’exercice (des) fonctions de tuteur » !

Mais elle ne repose qu’en partie sur les tuteurs. Il est évident que pour le gouvernement le plus important n’est pas la formation, donc les tuteurs, mais bien les économies, donc l’affectation de stagiaires sur des supports complets. C’est pourquoi il est nécessaire d’exiger DHG avec les heures-postes mises au mouvement, donc non bloquées, pour empêcher l’affectation de stagiaires à temps plein. Pour cette même raison aussi, exigeons la transformation des heures supplémentaires et des BMP (blocs de moyens provisoires) en heures-postes !

La masterisation met directement en cause nos statuts. A moyen terme, la fonction publique d’Etat est menacée, avec tout ce que cela implique de flexibilité, de précarité et de dégradation des conditions de travail pour les nouveaux personnels précaires, mais aussi pour les fonctionnaires en poste. il y a plus encore. La masterisation provoquera, à l’opposé des arguments du gouvernement, une dégradation de la formation des enseignants, ce qui fait craindre une diminution de la qualité du service public d’éducation et une entrée bien plus difficile encore dans le métier.

Fort logiquement puisqu’il faut diviser pour régner, les réformes organisent le renforcement du pouvoir hiérarchique, de l’autonomie et de la concurrence entre les établissements, mais aussi entre les équipes pédagogiques. Il s’agit donc d’une transformation radicale (néolibérale) de l’école réduite de plus en plus à un marché de la formation. La mastérisation constitue bien un élément clé des contre-réformes de l’éducation pour toujours plus de régression sociale.

Mastérisation : La partie émergée de l’iceberg