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Les féminismes aujourd’hui
Article publié le 8 avril 2015


Ndrl : cet article est un état des lieux succinct qui ne peut, du fait des contraintes de longueur, être exhaustif. Il ne vise pas non plus à trancher entre l’un ou l’autre courant, mais à donner des clés pour que chacun-e puisse s’emparer en conscience des débats qui traversent le mouvement féministe.


Féminismes essentialiste/universaliste

Le mouvement féministe recouvre tout d’abord deux tendances fondatrices qui entrent en débat l’une avec l’autre (parfois assez vivement) depuis les années 1950-60 : le courant essentialiste d’un côté et le courant universaliste de l’autre.
Les féministes essentialistes se réfèrent à l’idée qu’il existe une « nature féminine » et posent la différence des sexes comme un élément essentiel (ainsi l’adjectif différencialiste est aussi souvent associé à ce courant). Ce courant jongle donc à la fois avec la revendication d’égalité de droits et l’affirmation d’une complémentarité
entre hommes et femmes. Ainsi certaines associations féministes du début du siècle revendiquaient le droit de vote en mettant en avant l’idée que les femmes seraient utiles à la vie de la Cité par ce qu’elles pourraient apporter en tant que femmes (mettant derrière cela des qualités présentées comme féminines : empathie, sens du concret…). Dans cette perspective essentialiste, l’expérience de la maternité est souvent mise en avant pour justifier d’une nature spécifiquement féminine.
Face à ce courant essentialiste, les féministes universalistes, à la suite de Simone de Beauvoir et de son « On ne naît pas femme, on le devient », récusent l’existence d’une « nature » féminine, et présentent l’identité féminine comme une construction, qui découle de la culture et des pratiques sociales. Pour ces féministes, la perspective essentialiste est une façon détournée d’enfermer les femmes dans des stéréotypes genrés produits par le système de domination patriarcale.

Black feminism et féminisme post-colonial

L’émergence de mouvements féministes parmi les minorités racisées a mis en lumière des enjeux majeurs. Les pionnières sont notamment afro-américaines, fondatrices de ce qu’on a appelé le black feminism : elles ont souligné le fait que les formes de domination ne s’additionnent pas mais s’articulent les unes avec les autres.
Cette notion d’intersectionnalité formalisée par K. Crenshaw (aussi qualifiée de co-substantialité par la sociologue D. Kergoat) signifie que non seulement certaines femmes subissent différentes formes de domination (de genre, de « race », de classe), mais que ces dominations influent les unes sur les autres.
Angela Davis dans Femmes, race et classe, a ainsi montré que parce qu’elles étaient noires, les afro-américaines n’ont pas subi les mêmes formes de sexisme que les femmes WASP. Cette réflexion a été reprise en France par C. Delphy par exemple, dans « Anti-sexisme ou anti-racisme ? Un faux dilemme », in Classer, dominer. Par ailleurs, le deuxième enjeu de réflexion très fort induit par ces courants féministes issus des minorités ou présents au sein de pays du Sud (Inde, pays arabes) est la notion d’inclusion, c’est-à-dire la critique faite à certains courants féministes blancs issus des classes moyennes non seulement de ne pas prendre suffisamment
en compte la dimension intersectionnelle, mais aussi de formuler un modèle de libération global et surplombant qui vaudrait pour toutes, sans considérer les différences de contexte et de cultures, sans considérer les femmes racisées comme pouvant être actrices, à leur façon, de leur libération.

Féminismes matérialiste/queer/pro-sexe

Les féministes matérialistes s’inspirent, quant à elles, de courants matérialistes tels le marxisme, le socialisme révolutionnaire, l’anarchisme. Ce mouvement naît à la fin des années 60 avec, en France, le Mouvement de Liberation des femmes (MLF). Elles transposent le conflit qui oppose classe ouvrière et classe bourgeoise au niveau des sexes : la classe des hommes contre la classe des femmes, et veulent mettre ces luttes sur le même plan. Elles pointent du doigt des institutions et des formes d’organisation sociale qui sont pour elles à la base de l’oppression des femmes : Etat, famille, division du travail. La finalité est d’effacer leurs différences, d’abolir les genres car pour elles, le maintien de ces deux classes est une forme d’oppression servant le patriarcat et donc le capitalisme. La seule issue est donc l’égalité la plus totale, l’abolition de cette différenciation sexuée hommes/femmes. Les féministes matérialistes ne veulent plus se contenter d’un féminisme réformiste, elles visent des changements sociaux majeurs et remettent en cause la société de façon systémique.

Dans féminisme queer, il y a….queer. Petit rappel : queer, mot anglais signifiant étrange, déviant qui vient des communautés gays, trans des Etats-Unis. A la base une injure, les communautés visées se sont réappropriées le terme pour déstabiliser, resignifier les identités et en ont fait ainsi une arme politique et militante. Ce féminisme est donc issu des communautés queer notamment des communautés féministes lesbiennes et se fonde non sur une conception binaire du genre mais sur ses déclinaisons multiples, non sur une vision figée et limitée des femmes mais bien sur ses expressions multiples. Les activistes queer posent donc ce constat comme point de départ : l’expression du genre n’est qu’une performance, une mise en scène quotidienne, il n’est donc, la plupart du temps, que simple expression de la norme dominante et oppressante qui a été intériorisée et ainsi, abusivement naturalisée. Il faut le déconstruire pour, enfin, se le réapproprier, c’est le gender fucking (nique ton genre). La lutte contre les réalités matérielles et économiques n’est donc pas au centre de ce féminisme. Ce qui est primordial, avant toutes choses, est la résistance aux normes de genre et la dénonciation de l’oppression et de la domination masculine. Pour elles, le pouvoir s’exprime non seulement dans les Institutions mais aussi et surtout dans les corps et la vie.
La sexualité devient donc point d’orgue de ce mouvement, elle devient un outil de pouvoir : loin des féminismes qui dénoncent la pornographie en général, ce féminisme est pour une réappropriation de la sexualité. Il faut s’éloigner des pratiques aliénantes et s’emparer de sa sexualité en multipliant les pratiques subversives éloignées du schéma classique hétérosexuel. C’est l’avènement d’un féminisme sex positiv (pro sexe en France) qui se bat pour le droit à l’expression sexuelle et lutte contre une vision essentialisée des genres, d’un côté la femme douce et soumise à l’homme viril, violent et dominant. C’est donc un féminisme de l’empowerment (« développement du pouvoir d’agir ») : se saisir des pratiques dites masculines mais en dehors du corps masculin pour lutter contre la domination patriarcale.