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La « Masterisation » ou comment casser le statut tout en supprimant la formation des enseignants
Article publié le 27 janvier 2010

Luc Chatel a affirmé « qu’il n’était pas question de revenir » sur les décrets de Masterisation des concours enseignants, publiés le 28 juillet 2009. Jacques Chirac avait fai preuve de la même « détermination » en 2006 quelques semaines avant de retirer le CPE ! Mais pour obtenir
l’abrogation des textes de juillet 2009, il va falloir se mobiliser massivement !

Cette nouvelle régression remet définitivement en cause la formation des enseignants, alors que tous les professionnels s’accordent sur le fait qu’« enseigner, ça s’apprend » ! Et, cette attaque en règle contre le statut n’en finit plus de susciter des oppositions. Le dernier en date, celui du CNESER (conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche), vient allonger une liste déjà bien fournie : la CPU, la CDIUFM, l’ensemble des syndicats, l’ICEM-Pédagogie Freinet, etc…
Il faut tout faire pour empêcher l’application de ces décrets et obtenir leur abrogation ! S’ils entraient en vigueur, c’est dès septembre 2010, qu’on peut s’attendre au pire…

Tentons, à partir des différentes conclusions des groupes de travail, des décrets et des circulaires, de bien comprendre ce qui risque de arriver.

1er constat : le « parcours du combattant » pour les candidats au
concours
Premier changement de taille :
il faudra, non plus quatre ans pour
devenir enseignant (Licence + 1 an
de préparation) mais cinq ans. La
5ème année (année de PE2) est
actuellement une année de fonctionnaire
stagiaire rémunérée à plus
de 1300 €/mois. Cela ne sera plus le
cas en 5ème année (année de M2),
avec les décrets.

Réponse de Valérie Pécresse : « il y
aura un dispositif social pour les
étudiants en Master ». Regardons-y
de plus près :
u des bourses « sur critère académiques
 » de 200€/mois pour 12
000 étudiants (entre 7 et 9 % des
étudiants préparant des concours ! ).
u des stages en responsabilité
rémunérés, environ 250 €/mois.
u Pour les étudiants boursiers au
taux le plus fort, un complément de
120 €/mois.

Donc, pour moins de 10 % des candidats
aux concours, l’année de M2
sera rémunérée (si tout est cumulé !)
à hauteur de 550 €/mois, contre
plus de 1300 €/mois pour tous
actuellement !!! Pour 90 % des
candidats, ce sera 250 €/mois !
Une perte de plus de 1000 €/mois !

Et une sacrée économie pour le
budget ! Mais une année d’étude
de plus à financer pour les étudiants
et leurs familles !!!
2ème constat : la « folle année de
M2 »

Jusqu’ici, les candidats aux
concours finissaient leurs études
(souvent une Licence) puis préparaient
le concours pendant un an puis
étaient formés (et rémunérés) pendant
l’année de stage.

Avec la Masterisation , c’est tout en
même temps pendant l’année de
M2 !!!

Pour un candidat, cette année de
M2 devra comprendre :

- le passage des épreuves écrites
en septembre ;

- le suivi et la validation des enseignements
universitaires du M2 pluridisciplinaire
(pour les PE) ;

- la préparation d’un mémoire
universitaire de Master ;

- quatre semaines de stage en responsabilité
 ;
- des modules complémentaires
de préparation à l’oral ;

- le passage des épreuves orales au
mois de juin.

En un an, il faudra donc concentrer
une année de PE1, de PE2 et une
année universitaire de M2 !

Et, Valérie Pécresse ose « réserver »
5000 postes d’assistants d’éducation
aux étudiants en M2. C’est non
seulement absurde mais aussi totalement
indécent. Les étudiants
les plus défavorisés socialement
devront en plus travailler !!!

La synthèse des groupes de travail
ministériels sur les concours « masterisés
 » évoque cette année de M2
comme une « formation professionnelle
initiale qu’il faudra
ensuite compléter ».

pas besoin d’être grand clerc pour comprendre
qu’en plus d’être éreintante, cette
année de M2 ne sera en rien, une
année de formation professionnelle
 ! Il n’y aura ni temps, ni dispositif
pour faire ce qu’il y a de plus utile
dans la construction d’un savoirfaire
professionnel : l’aller-retour
entre pratique (en stage sur le terrain)
et théorie (dans les modules à
l’IUFM).

Le ministère ne se vante pas d’un
autre aspect, aussi scandaleux : la
réduction drastique du nombre
d’heures de stage en responsabilité
(de 342 heures à 108 heures, pour
un PE). En effet, la première année
« sur le terrain » ne peut être considérée
comme un stage puisque le
collègue aura sa classe à l’année.

L’année de M2 sera une course
effrénée vers un seul objectif :
l’obtention du concours en Juin.

Avec la Masterisation, le ministère
réfute le fait qu’« enseigner, ça
s’apprend ».

3ème constat : Sur le terrain, sans
formation

Selon les textes, le « lauréat du
concours (…) sera l’année suivante
professeur stagiaire et non plus
élève-professeur ». À ce titre, « il
prendra la responsabilité d’une
classe ». Dès septembre 2010, les
reçus seront donc nommés dans les
écoles à temps plein. Mais :
« cependant, une partie de son
année sera consacrée à parfaire sa
formation ».

Ce qui sous-entend que la formation
« à parfaire » serait déjà, en grande
partie accomplie !

Les conditions d’exercice dans de
nombreuses écoles du département
sont de plus en plus dures. Le
manque de moyens RASED, la
concentration des difficultés sociales
et scolaires des élèves mais aussi le
manque de remplaçants pèsent
lourdement sur le climat de travail
de nombreuses équipes. La première
année d’exercice pour les collègues
est bien souvent un véritable « baptême
du feu ». Mais comment envisager
que ces débuts, souvent éprouvants,
soient assumés par des collègues
dépourvus de formation ?

L’année de PE2 reste aujourd’hui une première
confrontation à la réalité tout à fait
essentielle. Sans cette année de
stage en alternance (terrrain-
IUFM), il est à prévoir que les
futurs collègues seront nettement
plus désarmés que les T1 !

C’est scandaleux de faire connaître
une telle entrée dans le métier à de
jeunes enseignant(e)s !

4ème constat : la précarité pour les
Masterisés non-reçus au concours

Xavier Darcos estimait qu’en cas de
« manque ponctuel de tel ou tel
professeur, l’agence pourrait solliciter
des jeunes professeurs en fin de
préparation, des stagiaires ou des
élèves en fin de master ».

Ca tombe bien avec la mise en
place de la « Masterisation des
concours enseignants » ! C’est
bien ce public d’étudiants en fin de
master, qui seront appelés à faire
des remplacements !!!

Avec le nouveau ministre, assisteronsnous
à une volonté d’apaisement
sur cette question du remplacement ?
Luc Chatel n’a pas, pour l’instant,
mis en place l’agence nationale du
remplacement. Mais a-t-il abandonné
l’idée pour autant ? En aucun cas,
la seule chose sur laquelle il se
démarque de son prédecesseur, est
parfaitement anecdotique. À
l’Assemblée Nationale, le 27 octobre
il déclarait : « Xavier Darcos
avait évoqué la création d’une
agence-terme qui, je dois le préciser,
ne semble pas nécessairement
le plus approprié. Je proposerai
début 2010 des mesures tendant à
renforcer la réactivité et la souplesse
du système actuel ». Luc
Chatel n’abandonne en rien l’idée.
D’autant plus que le rapport d’un
cabinet d’audit privé (commandé
par Darcos) vient de sortir. Pour le
manque de remplaçants, deux
« solutions » sont proposées :

- le recrutement d’étudiants en
Master ;

- le recrutement de jeunes retraités.
On l’a compris, cette régression
majeure que constitue la
Masterisation est un moyen de :

- poursuivre la politique de nonremplacement
d’un fonctionnaire
sur deux partant à la retraite (la
RGPP) ;

- faire passer l’embauche de
contractuels et de vacataires dans
l’enseignement primaire ;

- prendre une « revanche » contre
le temple d’un « pédagogisme »
honni que représente l’IUFM.

Il s’agit bien d’une politique agressive
de réduction des moyens alloués
au service public d’éducation. Mais
c’est aussi la continuation d’une
politique pédagogique réactionnaire,
dont les « nouveaux programmes »,
la systématisation des logiques
d’évaluation et de fichage des élèves
sont les autres volets.

Il s’agit de construire une riposte
d’ensemble des enseignants mais
aussi des parents d’élèves contre
cette casse programmée de l’école
publique.

Cette politique ne s’arrêtera
que si nous y mettons un terme,
en nous mobilisant massivement
et résolument.