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Réforme du collège 2016 : en débattre, la combattre, pour une autre réforme
Article publié le 21 avril 2015

Sommaire :
p.2 - Derrière l’alibi pédagogique, une réforme dangereuse
p.4 - Les futurs horaires réglementaires
p.6 - Le projet d’arrêté ministériel
p.8 - Quel collège voulons-nous


Journal "Réforme du collège"

Lundi 30 mars, le Ministère a dévoilé aux organisations syndicales ses projets d’arrêté et de circulaire encadrant la réforme du collège annoncée pour la rentrée 2016. Ces textes, à peine retouchés, ont été votés au Conseil supérieur de l’Éducation, malgré le vote contre de la part d’organisations syndicales représentant plus de 80% des personnels, dont SUD éducation. La réforme part du constat que « le collège aggrave la difficulté scolaire », à en croire la ministre. SUD éducation ne tombe pas dans le panneau de la défense inconditionnelle de l’existant : le collège sous sa forme actuelle ne permet en effet pas l’épanouissement et l’émancipation individuelle des élèves, et reproduit largement les inégalités sociales et culturelles. SUD éducation lutte pour une autre école, d’autres pratiques pédagogiques, et donc pour un autre collège. Mais à la lecture des projets ministériels, force est de constater qu’il s’agit encore d’une contre-réforme drapée dans les habits vertueux de la pédagogie.

L’autonomie des établissements sera renforcée par le choix laissé aux hiérarchies locales de la modulation des horaires disciplinaires, mettant en cause le collège unique. La concurrence entre personnels, la désorganisation, le renforcement des pouvoirs du-de la chef-fe d’établissement seront renforcés par la mise en place des enseignements complémentaires (dont les fameux EPI), qui apparaissent comme de fausses bonnes idées. Enfin, la « souplesse » invoquée dans l’attribution des moyens provoquera un nivellement des moyens par le bas, dans le contexte d’austérité et des modalités actuelles de gestion du service public et de la « justification au premier euro ». Cette réforme dégradera les conditions de travail des personnels et les conditions d’apprentissage des élèves. Dans cette brochure, SUD éducation présente dans le détail le projet ministériel, textes et grilles horaires à l’appui. Mais loin de se contenter de l’existant, SUD en profite pour présenter son projet de collège : une autre école pour une autre société !

Bas les masques ! Derrière l’alibi pédagogique, une réforme dangereuse

Les EPI et l’accompagnement personnalisé : de fausses bonnes idées

Le projet ministériel prévoit de prendre 3 heures en 6e sur les horaires réglementaires pour l’accompagnement personnalisé et 4 heures en 5e, 4e et 3e pour l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). SUD éducation est pour la pédagogie de projet dans un cadre interdisciplinaire, mais ici elle sert de cache-misère à des dysfonctionnements du système éducatif dus aux manques de moyens : l’épanouissement et l’émancipation intellectuelle des élèves de collège passent avant tout par la réduction du nombre d’élèves par classe et la possibilité d’organiser des demi-groupes ou du tutorat individualisé.

Dans le détail, l’organisation prévue de ces enseignements complémentaires pose bien d’autres problèmes :

  • la pédagogie par projet interdisciplinaire demande du temps de concertation, qui n’est pas prévu du tout dans la réforme : les EPI représenteront donc nécessairement un allongement du temps de travail et donc une dégradation des conditions de travail, par la multiplication de réunions en plus de celles qui tendent déjà à se généraliser.
  • les EPI étant pris sur les horaires réglementaires sans précision supplémentaire sur les disciplines qui seront ponctionnées, les élèves n’auront pas dans tous les collèges le même nombre d’heures d’enseignement disciplinaire. Par exemple, dans tel collège les professeurs de Français s’investissant largement dans les EPI, le Français sera davantage ponctionné que les maths ; et dans un autre collège, ce sera l’inverse.
  • Ce prélèvement des EPI sur les horaires disciplinaires entraînera en outre une concurrence entre les disciplines, puisqu’on leur demandera de démontrer l’intérêt de leur démarche interdisciplinaire. Au final, le-la chef-fe d’établissement tranchera, renforçant une logique de management délétère organisée sur la base de la concurrence entre les personnels.
  • les thématiques des EPI sont imposées, sans lien explicite avec les programmes, réduisant ainsi la liberté pédagogique qui est pourtant mise en avant par la réforme et conduisant vraisemblablement à des ateliers stéréotypés, faute de partir des dynamiques locales.
  • enfin, les thématiques mises en avant dans les EPI marqueront encore un peu plus, au titre de l’adaptation au local, les inégalités entre établissements : dans les établissements bourgeois, on mettra l’accent sur la thématique « langues et culture de l’Antiquité », dans les établissements de l’éducation prioritaire sur la thématique « monde économique et professionnel ».

La modulation des horaires disciplinaires en 5e, 4e et 3e : la casse du collège unique ?

L’arrêté ministériel prévoit que chaque établissement pourra moduler le nombre d’heures disciplinaires dues à chaque élève de 5e, 4e et 3e, pour peu que le nombre total d’heures prévues pour la totalité du cycle IV soit respecté. Ainsi, chaque établissement pourra par exemple baisser le nombre d’heures de Français en 5e pour l’augmenter d’autant en 4e. Le CA décidera de cette modulation, après avis du conseil pédagogique. L’article de l’arrêté qui permettra cela est le suivant (article 10) :

« L’établissement peut moduler la répartition du volume horaire hebdomadaire par discipline, dans le respect à la fois du volume horaire global dû à chaque discipline d’enseignement obligatoire pour la durée du cycle et du volume horaire global annuel des enseignements obligatoires du à chaque élève. »

En organisant des parcours différents en fonction des établissements, cela mettra à mal la continuité pédagogique pour des élèves qui changeront de collège au cours du cycle IV, par exemple. 

La marge d’autonomie : un renforcement de la concurrence entre établissements et des inégalités dans l’offre de formation

L’arrêté ministériel prévoit d’accorder une marge d’autonomie aux établissements pour favoriser les demi-groupes ou la coanimation. Cette marge sera octroyée sur la base de 2h45 par division dès la rentrée 2016, puis de 3h par division par la suite. Cela représente en gros 75 heures d’autonomie pour un collège de 600 élèves. L’attribution et l’utilisation de ces heures posent deux séries de problèmes importants :

  • le volume global de ces heures est attribué pour chaque établissement par le recteur d’académie, sans que l’arrêté ne précise ce qui conditionne l’attribution de ce volume horaire. On risque donc d’arriver vite à une situation d’arbitraire la plus totale, dans lequel on demande aux établissement de justifier de l’utilisation de ces heures dans une logique concurrencielle entre établissement, sur la base d’appels à projets
  • ces heures risquent de remplacer toutes les heures de marge existantes : cela signifie une baisse des DHG pour les établissements ayant une dotation plus importante, et la disparition d’heures fléchées, dont la répartition par définition équitable (par exemple, dans le 93, l’heure 93 ou les heures aide et soutien, disparues dès cette année) embête largement l’administration, qui leur préfère une attribution au cas par cas, telle que prévue dans la réforme
  • l’utilisation de ces heures sera décidée dans le cadre du projet d’établissement, et passera devant le CA après avis du conseil pédagogique : encore une fois, faute de fléchage, on s’oriente vers l’arbitraire local dans leur utiilisation, et donc vers une emprise de plus en plus grande des hiérarchies locales sur l’organisation des enseignements
  • ces heures pourront être utilisées pour des dédoublements ou de la coanimation, mais aussi pour des enseignements disparus des grilles horaires, comme les langues anciennes : seuls les établissements dans lesquels les dédoublements ne sont pas une nécessité impérieuse (et donc les établissements les plus « faciles ») se permettront de faire du latin ou du grec : l’offre de formation sera donc insidieusement réduite pour les élèves des établissements les plus fragiles, plus encore qu’elle ne l’est déjà.

Les futurs horaires réglementaires : arnaque sur les moyens

Enseignements 6e Horaires hebdomadaires prévus Évolution par rapport aux horaires existants
Education physique et sportive 4 heures =
Enseignements artistiques (arts plastiques + éducation musicale) 1 heure + 1 heure =
Français 4,5 heures -0,5h
HIstoire - Géographie - Enseignement moral et civique 3 heures =
Langue vivante 4 heures =
Mathématiques 4,5 heures +0,5 heures
SVT, technologie, sciences physiques 4 heures + 1 heure
Total, dont 3 heures d’AP 26 -1 heure
Totale heures disciplinaires (sans l’AP) 23 heures -2 heures

LV2, langues anciennes... on joue à qui perd gagne  ?

Le projet réduit les choix optionnels des familles (notamment la suppression des classes bilangues en sixième et des classes européennes). Cela peut être une bonne chose dans la mesure où cela peut amoindrir les stratégies d’évitement interne et renforcer la mixité dans les classes. Cependant, on ne peut ignorer que les services des collègues seront fortement impactés. Par ailleurs, la réforme n’évitera en réalité pas le maintien des inégalités induites par les options, mais à une autre échelle...

  • en ce qui concerne l’Allemand : le passage de la LV2 à la 5e ne compensera pas la fin des bilangues dans la plupart des établissements. En effet, en réduisant le choix de l’Allemand à la LV2, les collègues risquent de n’avoir qu’une classe par niveau en 5e, 4e, 3e, là où ils avaient souvent une classe en 6e et en 5e (la bilangue), puis deux en 4e et 3e (la bilangue + la LV2). Cela signifiera la quasi-impossibilité pour les collègues d’Allemand d’avoir un poste sur un seul établissement.
  • les langues anciennes disparaissent de la grille horaire pour entrer dans le EPI et dans les heures d’autonomie. Cela signifie la suppression de ces disciplines en tant que telles, et va renforcer leur rôle de variable d’ajustement pour l’organisation des services.
  • qui plus est, ces évolutions ne vont pas réduire les stratégies élitistes. En effet, l’Allemand peut être maintenu en sixième... lorsqu’une école du secteur en propose, soit dans les environnements socio-culturels déjà favorisés. Quant aux langues anciennes, leur enseignement sera maintenu dans le cadre des heures d’autonomie là où les établissements penseront que c’est plus utile à leurs élèves que les demi-groupes... soit dans les établissements les plus favorisés.
Enseignements cycle IV Cinquième Evolution Quatrième Evolution Troisième Evolution
Éducation physique et sportive 3 heures = 3 heures = 3 heures =
Enseignements artistiques (arts plastiques + éducation musicale) 1 heure + 1 heure = 1 heure + 1 heure = 1 heure + 1 heure =
Français 4,5 heures +0,5 heure 4,5 heures +0,5 heure 4 heures -0,5 heure
Histoire - Géographie - Enseignement moral et civique 3 heures = 3 heures = 3,5 heures =
Langue vivante 1 3 heures = 3 heures = 3 heures =
Langue vivante 2 2,5 heures +2,5 heures 2,5 heures -0,5 heure 2,5 heures -0,5 heure
Mathématiques 3,5 heures = 3,5 heures = 3,5 heures -0,5 heure
SVT 1,5 heures = 1,5 heures = 1,5 heures =
Technologie 1,5 heures = 1,5 heures = 1,5 heures -0,5 heure
Sciences physiques 1,5 heures = 1,5 heures = 1,5 heures -0,5 heure
Total, dont 4 heures d’AP et d’EPI 26 +0,5 heures 26 -2,5 heures 26 -2,5 heures
Total heures disciplinaires (sans l’AP ni les EPI) 22 - 1 heure 22 -4 heures 22 -6,5 heures

Suppression de la DP3 et de la DP6

Les heures dévolues à la découverte professionnelle 3 heures en 3e sortent des grilles réglementaires. Celles-ci seront prises, pour les nouvelles 3e « préparatoires à l’enseignement professionnelles », sur les heures d’enseignements complémentaires, qui pourront y être largement consacrées, ainsi que sur un « volant d’heures complémentaires » non quantifié, et donc nullement garanti par une marge d’heures accordée de droit. Le risque est donc grand de voir l’option se dissoudre dans les enseignements complémentaires, l’ensemble des disciplines se partageant potentiellement la découverte professionnelle, dans la logique du parcours de découverte des métiers prévu par la loi d’orientation de 2012. Enfin, ces heures de découverte professionnelle seront, comme les autres enseignements complémentaires, pris sur les horaires disciplinaires : cela signifie que les élèves que l’on estimera destinés à la voie professionnelle auront dès la troisième moins d’enseignement disciplinaire que les autres. 

Enseignements artistiques, scientifiques : vers la bivalence généralisée  ?

Au prétexte de l’enseignement dès la sixième de la physique, on prévoit de regrouper les heures de physique, SVT et technologie dans un même bloc horaire. Cela s’inscrit dans la dynamique de mise en place de l’EIST et de la suppression annoncée de l’enseignement de la technologie. Cela permettra de jouer sur les répartitions pour éviter des créations de postes, et d’habituer un peu plus les collègues à la bivalence voire la trivalence. C’est la même logique qui prévaut au regroupement des volumes horaires des enseignements artistiques (éducation musicale et arts plastiques), d’autant que ceux-ci pourront être divisés par semestre à raison de 2 heures par semaine et par discipline, ce qui est un jalon en plus pour l’annualisation rampante de nos services. Les élèves ne seront pas gagnants de ces tours de passe-passe : en fonction de l’établissement, ils n’auront pas eu nécessairement les mêmes volumes horaires disciplinaires dans les disciplines scientifiques en sixième...


Le projet d’arrêté ministériel présenté point par point

Le projet ministériel se compose d’un décret et d’un arrêté. Le décret applique la loi de refondation de l’école du 9 juillet 2013 contre lequel SUD éducation avait voté. L’arrêté précise les modalités d’application du décret, et prévoit la future organisation des enseignements. Dans les premières pages de cette brochure, nous avons analysé en détail les applications de la réforme prévue. Pour étayer les discussions dans vos heures d’information syndicales, nous reproduisons ici l’arrêté ministériel dans son ensemble, avec les commentaires de SUD éducation.

Article 1er
Les enseignements obligatoires dispensés au collège sont organisés conformément aux volumes horaires précisés dans les tableaux en annexe.

Article 2
Le volume horaire et les programmes des enseignements communs d’un cycle sont identiques pour tous les élèves.

==> Les enseignements obligatoires comprennent les heures d’enseignements disciplinaires et les nouveaux « enseignements complémentaires », qui sont pris sur les horaires dévolus aux disciplines au gré des projets d’établissement (voir page 4).

Article 3
1°) Les contenus des enseignements complémentaires sont établis en fonction des objectifs de connaissances et de compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes des cycles concernés. Toutes les disciplines d’enseignement contribuent aux enseignements complémentaires.

2°) Les enseignements complémentaires prennent la forme de temps d’accompagnement personnalisé et d’enseignements pratiques interdisciplinaires : a) l’accompagnement personnalisé s’adresse à tous les élèves selon leurs besoins ; il est destiné à soutenir leur capacité d’apprendre et de progresser, notamment dans leur travail personnel, à améliorer leur performance et à contribuer à la construction de leur autonomie intellectuelle ; 1

b) les enseignements pratiques interdisciplinaires permettent de construire et d’approfondir des connaissances et des compétences par une démarche de projet conduisant à une réalisation concrète, individuelle ou collective. sant à une réalisation concrète.

==> C’est le coeur de la réforme : prendre sur les horaires réglementaires des disciplines pour financer deux dispositifs, nommés « enseignements complémentaires ». Ces « enseignements complémentaires sont de deux types »
- l’accompagnement personnalisé (AP)
- les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI)

Article 4
I. — Pour les élèves de sixième, les enseignements complémentaires sont des temps d’accompagnement personnalisé.
II. II. — Au cycle 4, la répartition entre l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires varie en fonction des besoins des élèves accueillis et du projet pédagogique de l’établissement. Chaque élève bénéficie chaque année de ces deux formes d’enseignements complémentaires. La répartition des volumes horaires entre l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires est identique pour tous les élèves d’un même niveau.

==> L’AP est prévu pour l’ensemble des classes du collège (voir article 6). Il s’agit donc d’une généralisation du traitement de la difficulté scolaire hors de la classe, alors qu’elle a montré ses limites en primaire et au lycée. Faut-il vraiment généraliser ce qui ne fonctionne pas ?

Article 5
Chaque enseignement pratique interdisciplinaire porte sur l’une des thématiques interdisciplinaires suivantes :
a) corps, santé, sécurité ;
b) culture et création artistiques ;
c) développement durable ;
d) information, communication, citoyenneté ;
e) langues et cultures de l’Antiquité ;
f) langues et cultures étrangères ou, le cas échéant, régionales ;
g) monde économique et professionnel ;
h) sciences et société.
Les programmes d’enseignement du cycle 4 fixent le cadre des contenus disciplinaires pour chacune de ces thématiques.

==> Les EPI sont prévus comme étant des projets menés avec les élèves par des professeurs de plusieurs disciplines. Huit thématiques sont prévues : les élèves devront avoir étudié six d’entre elles à l’issue du collège, soit 2 par an. Ces EPI financés par des volumes horaires dévolus aux disciplines, sur la base du choix des établissements. Remarquons au passage que les langues anciennes et régionales disparaisssent des grilles horaires pour entrer dans ces enseignements complémentaires mais avec au moins 1 heure en moins par niveau qu’actuellement...

Article 6
I. — L’organisation des enseignements complémentaires au cycle 4 répond aux exigences ci-après :
1°) chaque élève bénéficie de l’accompagnement personnalisé, d’une heure hebdomadaire au minimum ;
2°) à l’issue du cycle, chaque élève doit avoir bénéficié d’enseignements pratiques interdisciplinaires portant sur au moins six des huit thématiques interdisciplinaires prévues à l’article 5 ;
3°) les enseignements pratiques interdisciplinaires proposés aux élèves doivent, chaque année, être au moins au nombre de deux, portant chacun sur une thématique interdisciplinaire différente.

II. — Les enseignements pratiques interdisciplinaires incluent l’usage des outils numériques et la pratique des langues vivantes étrangères. Ils contribuent à la mise en œuvre du parcours citoyen, du parcours d’éducation artistique et culturelle ainsi que du parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel.

==> L’AP est prévue pour l’intégralité des « enseignements complémentaires » en 6e (voir article 4), soit 3 heures par division, et au moins 1 heure en 5e, 4e et 3e. L’article précise que chaque élève en bénéficie, ce qui n’est possible que si... l’AP se fait en classe entière !

Article 7
Outre la dotation horaire correspondant aux enseignements obligatoires, une dotation horaire est mise à la disposition des établissements afin de favoriser le travail en groupes à effectifs réduits et les interventions conjointes de plusieurs enseignants, conformément à l’article D. 332-51 du code de l’éducation. Son volume pour l’établissement est arrêté par le recteur d’académie, sur la base de deux heures quarante-cinq minutes par semaine et par division pour la rentrée scolaire 2016, puis sur la base de trois heures par semaine et par division à compter de la rentrée scolaire 2017. L’emploi de cette dotation est réparti proportionnellement aux besoins définis dans le projet d’établissement pour chaque niveau d’enseignement conformément à la procédure prévue au premier alinéa du II de l’article D. 332-4 du code de l’éducation et, dans les établissements d’enseignement privés sous contrat, au III du même article. Cette dotation horaire attribuée à l’établissement lui permet également, dans le cadre de son projet pédagogique, de proposer, pour les élèves volontaires, un enseignement de complément aux enseignements pratiques interdisciplinaires prévus à l’article 3, qui porte sur un enseignement de langues et cultures de l’antiquité ou sur un enseignement de langue et culture régionales. Cet enseignement peut être suivi au cours des trois années du cycle 4, dans la limite d’une heure hebdomadaire en classe de cinquième et de deux heures hebdomadaires pour les classes de quatrième et de troisième.

==> Outre les enseignements obligatoires (horaires disciplinaires + enseignements complémentaires), la réforme prévoit un volume horaire flottant attribué aux établissements par le recteur. Ce volume est calculé sur la base de 3 heures par division au terme de la réforme. Son objectif est de « favoriser le travail en groupes à effectifs réduits et les interventions conjointes de plusieurs enseignants ».
Plusieurs remarques :
- comment le recteur va-t-il décider de l’attribution de ces heures  ? Sur la base de la qualité du projet d’établissement, mettant ainsi en concurrence les établissements  ? 
- l’utilisation des heures est répartie conformément au projet d’établissement, accentuant les inégalités dans l’offre de formation (voir page 2)
- ce volant d’heures constituera vraisemblablement un maximum pour la marge au-dessus des horaires réglementaires dans les DHG, nivelant ainsi celles-ci par le bas.

Article 8
Les élèves qui ont bénéficié de l’enseignement d’une langue vivante étrangère autre que l’anglais à l’école élémentaire peuvent se voir proposer de poursuivre l’apprentissage de cette langue en même temps que l’enseignement de l’anglais dès la classe de sixième. Le cas échéant, une dotation horaire spécifique peut être attribuée à cette fin.

==> Les classes bilangues ou Allemand LV1, concrètement, sont supprimées - mettant en péril les services des enseignant-e-s de cette discipline - et ne sont maintenus que là où les élèves l’ont eu en primaire. Contrairement à l’affichage (réduire les stratégies d’évitement de la mixité au collège) on renforce en fait la discrimination dans le choix des options : dans quels milieux socioculturels propose-t-on de l’Allemand en primaire, en effet  ? 

Article 9
Les volumes horaires des enseignements des classes de troisième dites « préparatoires à l’enseignement professionnel », installées dans des collèges ou des lycées, sont identiques à ceux des autres classes de troisième. Ces classes disposent en outre d’un complément de dotation horaire spécifique. Par dérogation aux dispositions du présent arrêté, les enseignements complémentaires doivent permettre aux élèves de ces classes de découvrir différents champs professionnels afin de construire leur projet de formation et d’orientation. Ces élèves bénéficient en outre de périodes de stage en milieu professionnel.

==> Comme pour les classes bilangue ou les langues anciennes, les options DP3 et DP6 sont supprimées de la grille des horaires réglementaires. Elles ne pourront être enseignées que dans le cadre des enseignements complémentaires, qui leur seront spécifiquement consacrés, et d’une « dotation horaire spécifique » dont le volume n’est pas énoncé.

Article 10
L’établissement peut moduler la répartition du volume horaire hebdomadaire par discipline, dans le respect à la fois du volume horaire global dû à chaque discipline d’enseignement obligatoire pour la durée du cycle et du volume horaire global annuel des enseignements obligatoires dû à chaque élève.

==> Cet article prévoit tout simplement la modulation des horaires disciplinaires en fonction des choix de l’établissement ! (Voir l’analyse p. 3)


Quel collège voulons-nous, pour l’épanouissement et l’émancipation de nos élèves  ?

Le ministère prétend réformer le collège pour « le bien des élèves » par des réformes pédagogiques et structurelles. Il renforce pour cela le pouvoir des chef-fe-s d’établissements sous couvert d’autonomie, il impose un pseudo-travail interdisciplinaire sur des thèmes choisis par ses soins et sans temps de concertation, il attaque le collège unique sous couvert d’individualisation des parcours, il ment sur la possibilité de travailler avec des effectifs réduits alors que les moyens sont très loin d’être suffisants. Enfin, il met les établissements en concurrence dans une course aux projets pour obtenir des heures. SUD éducation s’oppose à cette réforme et engagera toutes ses forces pour imposer une autre vision du collège. Parce qu’il nous paraît évident que le collège dysfonctionne aujourd’hui en tant qu’institution, nous luttons pour un collège polytechnique, pour l’autonomie des équipes et pour la création massive d’emplois de toutes les catégories de personnels dont nous avons tant besoin !

Une véritable interdisciplinarité : un collège unique et polytechnique

L’enseignement au collège est dit généraliste alors qu’il n’aborde en réalité que des champs disciplinaires dits « intellectuels ». Seules quelques disciplines mettent en œuvre ponctuellement des réalisations techniques (technologie, sciences, arts...). A la fin du collège un élève aura abordé un grand nombre de sujets mais sera passé à côté de pans entiers des connaissances humaines : l’étude des objets et des techniques du monde qui l’entoure est au mieux repoussée au lycée ou au supérieur, en fonction de l’orientation que les élèves auront choisie ou qu’ils auront subie suite à leur parcours en école primaire et au collège. L’Éducation nationale dispense donc une formation largement incomplète et ne permet pas aux élèves qui en sortent de disposer des outils nécessaires pour comprendre leur environnement, encore moins pour avoir prise sur ce dernier.

A l’inverse nous revendiquons un enseignement polytechnique intégrant les disciplines techniques et intellectuelles, un enseignement vraiment généraliste pour tous : un véritable collège unique dans lequel tous les élèves peuvent s’ouvrir au maximum de connaissances et au maximum de possibilités d’orientation future, y compris dans les spécialités dites manuelles.

D’un point de vue pédagogique l’enseignement polytechnique permet de contextualiser les apprentissages théoriques. En favorisant la mise en place d’un véritable travail interdisciplinaire et de projets ambitieux visant des réalisations concrètes, les apprentissages prennent du sens. Sa mise en place nécessite du temps de concertation pour les personnels. Elle rend nécessaire des pratiques pédagogiques différentes de l’enseignement frontal : pédagogies coopératives, travaux de groupe, pédagogie de projet… Elle nécessite de faire confiance aux équipes et de les soutenir en leur donnant les moyens dont elles ont besoin.

Enfin, un collège polytechnique implique de nouveaux programmes maintenant un cadrage national clair mais laissant un part importante à la liberté pédagogique des enseignant-e-s. Ces programmes ne doivent plus être la chasse gardée de l’Inspection et autres expert-e-s nommé-e-s par le pouvoir, ils doivent être élaborés en association avec les enseignant-e-s qui doivent avoir un rôle décisif dans leur définition et leur adoption.

L’autonomie des équipes et non des chef-fe-s d’établissement : vers l’autogestion

Nos propositions pour un collège unique polytechnique s’accompagnent de revendications sur l’organisation et la direction des établissements scolaires du second degré.

Nous considérons que les personnels sont les seuls capables de savoir comment organiser efficacement le travail et le service de chacun-e. De même nous considérons que l’autonomie des établissements doit être celle des équipes et non des chef-fe-s d’établissements qui concentrent aujourd’hui tout le pouvoir de décision. Les projets d’établissement, les choix pédagogiques, la mise en place de dispositifs, d’options, de projets doivent être le fait des équipes pédagogiques. L’utilisation des locaux, l’organisation du service des personnels doivent être décidées par les personnels eux-mêmes.

C’est pour cela que nous revendiquons la suppression de la fonction de chef-fe d’établissement. Ces dernier-e-s doivent être remplacé-e-s par des directions collégiales composées de personnels issus des différentes catégories de personnels (enseignement, vie scolaire, agent-e-s, personnels administratifs), déchargé-e-s d’une partie de leur temps de travail habituel.

C’est dans ce sens que nous revendiquons du temps de concertation pour l’ensemble des personnels des établissements.

Des effectifs réduits pour tous

Nous revendiquons une baisse des effectifs par classe pour atteindre 20 élèves maximum en collège ordinaire, 16 en éducation prioritaire, 12 en SEGPA, les élèves en intégration et inclusion devant être comptabilisé-e-s dans les effectifs des classes.

Nous revendiquons par ailleurs des dédoublements nationaux sur la moitié des horaires d’enseignement dans toutes les matières.

Ces revendications sont en lien direct avec notre projet d’école. Cette réduction des effectifs par classe nous apparaît en effet indispensable pour :

  • élaborer des projets avec les classes et impliquer les élèves dans leurs apprentissages ;
  • prendre en compte la diversité des élèves et individualiser l’enseignement qui leur est donné ;
  • prendre en charge la difficulté scolaire au sein des groupes-classe sans avoir à l’externaliser (externalisation qui se révèle souvent inefficace, contre-productive).

Enfin, afin d’ouvrir à chaque élève de vrais lieux de réflexion, d’expression, de décision, de communication et de coopération, la taille des établissements doit rester humaine. Nous revendiquons des collèges de 400 élèves au maximum.

Un temps de concertation pour tou-te-s les enseignant-e-s

Nous revendiquons en particulier pour les enseignant-e-s que 3 heures soient soustraites des obligations de services pour être consacrées à la concertation, donc intégrées dans les services et inscrites aux emplois du temps.

Cette réduction du nombre d’heures devant élèves doit permettre :

  • la mise en place du travail interdisciplinaire ;
  • la conception de projets d’équipe et de classe ;
  • une prise en charge collective des élèves et de leurs difficultés avec l’ensemble des personnels, enseignant-e-s et non-enseignant-e-s ; - la co-formation et l’échange de pratiques entre collègues ;
  • l’implication de chacun-e dans l’organisation des établissements et dans les choix pédagogiques les concernant.

Pour permettre l’implication de tous les personnels nous revendiquons aussi des réductions de service liées à la pénibilité de certaines fonctions et de certains postes de travail : partage du service sur plusieurs établissements, remplacements ou affectations à l’année, affectation dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire.

Nous affirmons que les compensations sous formes de primes ou d’indemnités ne peuvent constituer une réponse acceptable et efficace aux besoins professionnels des enseignant-e-s des collèges.

Et pour l’éducation prioritaire  ?

SUD éducation défend une transformation du collège dans une optique d’épanouissement et d’émancipation pour tou-te-s les élèves. Les revendications énoncées plus haut concernent évidemment tou-te-s les élèves et les personnels qui les accompagnent dans leur cheminement ! Cependant, nous reconnaissons que dans les espaces où se concentrent les plus grandes difficultés sociales, des moyens de fonctionnement spécifiques doivent être attribués.
SUD éducation est ainsi pour une transformation profonde de l’éducation prioritaire, loin des mesurettes des réformes successives. Pour faciliter au mieux les apprentissages des élèves les plus en difficulté, sans externaliser leur « traitement », il faut pour les collèges de l’éducation prioritaire 16 élèves par classe au maximum. Parce que les problématiques sociales rencontrées par les élèves doivent avoir une oreille attentive et une capacité d’intervention bien supérieure à celle que l’on a actuellement, il faut des services santé-sociaux largement renforcés. Pour reconnaître les difficultés spécifiques et la surcharge de travail rencontrées par les personnels dans l’éducation prioritaire, il faut qu’ils aient droit à 1h30 de décharge, sans réunion en échange (en plus de la réduction du temps de travail pour concertation que nous revendiquons pour tous les personnels). Enfin, il faut urgemment résoudre les problèmes de stabilité que rencontrent les équipes dans l’éducation prioritaire : pour cela, l’amélioration des conditions de travail est une solution pour donner envie aux collègues de s’impliquer sur le long terme. Mais tant que la précarité sera aussi forte dans les métiers de l’éducation nationale, cette instabilité ne pourra être résolue : il faut donc que tou-te-s les agent-e-s exerçant des missions de service public soient des titulaires, et pour mettre fin à la précarité, la seule solution est la titularisation sans condition de toutes et tous les précaires. 

Un regard critique sur les expérimentations

Nous dénonçons fermement l’opération de communication qui est à l’oeuvre actuellement. En effet, la réforme du collège a été largement inspirée des pratiques pédagogiques de certains établissements expérimentaux existant déjà au sein de l’Éducation nationale (Clisthène à Bordeaux, CLE d’Hérouville-Saint-Clair...). SUD éducation soutient les pratiques pédagogiques coopératives et la création de nouveaux établissements expérimentaux qui seraient portés par des équipes engagées dans cette voie. Cependant, l’opération menée par le ministère et dont sont complices une partie des médias ainsi qu’une partie des collègues engagés dans ces structures, tente de faire croire que leur modèle éducatif est applicable, calcable, à l’ensemble des collèges du territoire. Rappelons que :

  • ces structures sont de petite taille (450 élèves pour la plus grande)
  • les enseignant-e-s qui y travaillent sont des militant-e-s pédagogiques qui se cooptent
  • les élèves qui y sont scolarisé-e-s ainsi que leurs familles sont volontaires et sélectionnés
  • les personnels y ont une part importante de leur service consacrée à la concertation

Ces structures et les méthodes pédagogiques qui y sont développées, si elles peuvent être pertinentes et efficaces, ne peuvent en aucun cas être appliquées brutalement, sans concertation, formation ni moyens supplémentaires à l’ensemble des collèges.

Faire croire le contraire est le meilleur moyen de décrédibiliser l’innovation pédagogique. C’est la preuve de la méconnaissance complète de la réalité du terrain de beaucoup d’établissements, notamment de ceux relevant de l’éducation prioritaire. C’est la preuve du mépris de notre institution pour les personnels, accusés de mal travailler, accusés d’être responsables de tous les maux de l’école publique.

Au lieu de nous faire la leçon, de pointer les bons et les mauvais travailleurs, le ministère devrait donner les moyens aux équipes qui s’engagent sur le terrain pour mener à bien leurs projets pédagogiques pour la réussite de leurs élèves. De même qu’on n’émancipe pas les élèves de force (mais qu’on leur donne des outils pour qu’ils le fassent eux-mêmes), le ministère ne changera pas les pratiques pédagogiques de force, il doit donner les moyens et les outils pour que les personnels le fassent eux-mêmes.